La flore… inépuisable source d’inspiration pour les céramistes ! La Tuilerie de Choisy-le-Roi, administrée par Gilardoni fils & Cie, fit éditer probablement dès 1903 un catalogue contenant quatre planches de Revêtements en faïence affichant une volonté marquée de commercialiser des carreaux dans le style Art Nouveau, très en vogue à l’époque. La société se démarquait ainsi de son prédécesseur et ancien associé Alfred Brault avec qui elle produisait auparavant des décors floraux plus classiques.
La première planche est consacrée aux Frises cloisonnées (Grand feu) destinées à être posées sur les façades. Le mode de décor est précisé ainsi que le mode de cuisson suggérant à l’acheteur la qualité supérieure de tenue du produit(1).
Le fac-similé ci-dessus montre les frises photographiées in situ dans plusieurs villes, ces ornements étant fréquemment rencontrés, hormis le modèle 501bis qui a vraisemblablement eu moins de succès. Il a d’ailleurs disparu du catalogue suivant en 1910. La planche originale porte en plus les dimensions des carreaux : 0,207 x 0,207 pour les douze premiers modèles et 0,158 x 0,158 pour les deux derniers. Cette mesure exprimée en mètres est très précise, puisque les carreaux avant d’être décorés sont fabriqués industriellement, pressés à sec dans des moules. L’échelle est également indiquée.
Pour les admirer encore plus d’un siècle après, on peut en déduire une bonne résistance des carreaux aux intempéries et pollutions de toutes sortes, bien que l’émail laisse apparaitre quelques fines craquelures plus ou moins nombreuses, non perceptibles autrement qu’en vision très proche.
L’effet produit par les émaux transparents et colorés séparés entre eux par des cloisons de couleur bronze varie en fonction de l’ensoleillement, donnant l’impression de teintes changeant selon le temps. Ce procédé de décoration plus connu sur métal fut adapté par Théodore Deck : « A défaut d’un nom plus particulier à la céramique, on appelle « émaux cloisonnés » un travail dont la décoration est ornée d’un trait en relief. Les creux sont remplis d’émaux colorés transparents que l’on peut superposer les uns aux autres. Ce genre de fabrication a fait son apparition en occident dans mon exposition de 1874, à l’Union centrale des arts décoratifs. »(2)
Chaque carreau porte un motif ouvert, non terminé, imposant un suivant et un précédent identique se raccordant à lui pour former une frise au nombre de carreaux indéterminé. La largeur de l’espace à décorer, linteau de fenêtre ou de porte, en fixera la quantité. Pour plus d’esthétique, un carreau terminal peut fermer la frise : c’est le même décor sans l’élément qui le relie à son voisin. Cependant, le module à répéter peut être constitué de deux carreaux dissemblables. Tel est le cas de l’ornement floral 509 traversé par un méandre, et de l’arum présentant deux motifs symétriques associables de deux manières différentes. L’alignement d’iris nécessite trois carreaux pour réaliser le modèle à répéter.
Gilardoni fils & Cie montre, par ses autres réalisations de reliefs en terre cuite et en grès, une grande faculté d’adaptation aux dimensions réclamées par les architectes, repérables aussi, bien que plus rarement, pour les motifs de cette page. Selon la place de la frise ou l’espace qui lui est réservé, elle doit être plus grande pour être bien vue, notamment en bandeau sous un toit assez élevé ; le céramiste l’agrandit alors sur deux ou trois hauteurs de carreaux, de 20 ou 15 cm. L’usage le plus courant reste néanmoins le décor placé au-dessus des portes et fenêtres, cachant le linteau métallique ou se superposant à lui ; mais on peut l’observer en imposte, en bandeau traversant la façade ou en encadrement. Un ou deux motifs différents sont choisis pour l’ensemble de la façade, rarement davantage. C’est pourquoi la palme de l’originalité me semble décernée à une maison de Fontainebleau ayant deux façades visibles de la rue : douze fenêtres ornées des douze grands modèles figurant sur cette page de catalogue.
Le catalogue de 1910 a renouvelé ses modèles tout en gardant ceux qui ont sans doute eu un plus grand succès auprès des acheteurs. La rose, le trèfle, le nénuphar, l’arum, le bleuet et l’alignement d’iris sont toujours présents et portent le même numéro de référence. On peut donc supposer un nombre important de décors sortis avant 1903 et portant les numéros intermédiaires…
© Ceramique-architecturale.fr – FM
Mai 2015
Notes :
(1) Catalogue visible au musée de Beauvais
(2) Cité par Jacques G. PEIFFER dans L’art des céramiques p. 155