La céramique à l’école

En ce mois de rentrée des classes, cédons à l’ambiance générale et intéressons-nous au sujet. La céramique à l’école, titre volontairement à double sens, suggère le support de nombreuses activités et enseignements liés à ce patrimoine architectural, mais également l’utilisation de la céramique à des fins décoratives dans l’architecture scolaire, particulièrement ce que l’on voit en arrivant à l’école. C’est de ce dernier aspect dont il s’agit aujourd’hui.

Ecoles, 1908, place Gallieni à Noisy-le-Grand (93), céramiques E. Muller & Cie

La construction de bâtiments spécifiquement réservés à l’enseignement primaire prend son essor dans les années 1880, en lien avec les lois promulguées par Jules Ferry, qui en 1882 rend l’instruction obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans, et impose en 1886 l’existence d’une école publique par commune. On passa ainsi de l’école occupant le presbytère ou une salle louée pour l’usage scolaire à une école accolée à la mairie et finalement à un bâtiment uniquement dédié à l’instruction. Cette évolution, liée à l’accroissement de population, est la conséquence de l’arrivée massive de ruraux dans les grandes villes, notamment dans la capitale et la proche banlieue. A l’inverse, les communes rurales se dépeuplant n’ont pas eu la nécessité de construire de bâtiments spécifiques.
Les matériaux utilisés sont à la hauteur des espoirs et du respect portés par l’instruction publique. Essentiellement en pierre, matériau noble, pour les plus anciennes, les écoles élémentaires arborent le plus souvent une symétrie induite par la séparation voulue des filles et des garçons. La décoration réside dans les modénatures des façades où viennent s’ajouter des éléments gravés ou sculptés sur place mais aussi des céramiques, tous représentatifs de l’identité du lieu. Selon les villes, on y retrouve quelques symboles de la République française, ses initiales RF, sa devise, le bonnet phrygien, ainsi que l’année de construction ou le blason local, sans oublier quelques majestueuses pendules (voir aussi…).

Ecoles communales, 1885, Nogent-sur-Seine (10), céramiques Jules Loebnitz Ecole de garçons, 1881, 9 rue Jacob à Livry-Gargan (93) Ecole de garçons, Ecole de filles, 19014, rue Blanqui à St-Ouen (93), céramiques E. Muller & Cie
Ecole de garçons, Ecole de filles, 19014, rue Blanqui à St-Ouen (93), céramiques E. Muller & Cie Ecole de garçons, Ecole de filles, 19014, rue Blanqui à St-Ouen (93), céramiques E. Muller & Cie Filles, Garçons, 19124, 125 rue V. Hugo à St-Ouen (93), céramiques E. Muller & Cie
Filles, Garçons, 19124, 125 rue V. Hugo à St-Ouen (93), céramiques E. Muller & Cie Ecoles, 1908, place Gallieni à Noisy-le-Grand (93), céramiques E. Muller & Cie

Le répertoire ornemental citoyen est complété par des choix plus spécifiques aux objectifs de l’école : ouverture au monde avec les mappemondes, apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul représentés par quelques lettres et chiffres, découverte de la littérature symbolisée par des livres, le tout couronné par les lauriers de la réussite. Fleurs et fruits apportent vers 1900 une note plus décorative et moins académique de l’école, liée à l’air du temps imprégné de l’Art Nouveau.

Ecoles, 1908, place Gallieni à Noisy-le-Grand (93), céramiques E. Muller & Cie Groupe scolaire et mairie annexe, 1902/19084, 11 av. de la République à Aulnay-sous-Bois (93) Groupe scolaire et mairie annexe, 1902/19084, 11 av. de la République à Aulnay-sous-Bois (93), céramiques
Ecole de filles, 40 rue Manin à Paris (75), céramique
Ecole des filles, Ecole des Garçons, 1904, rue St Nicolas à Maisons Laffitte (78), grès de Bigot Ecole de filles, 1911, 34 rue Buffault à Paris (75), probablement grès de Bigot

Brique et meulière participent aussi à l’architecture scolaire avant la 1ère Guerre Mondiale ; elles s’allient tout aussi bien aux décors et en font partie par leur agencement. Le choix du type de céramique évolue parallèlement à celui utilisé pour l’architecture privée : de la terre cuite émaillée ou non, puis ensuite des grès émaillées, auxquels s’ajoutent dans les années 1925/1930 les mosaïques de grès cérame aux motifs floraux ou géométriques de style Art Déco parfaitement de leur temps.
Remarquons que l’on repère particulièrement les œuvres moulées de la Grande Tuilerie d’Ivry, d’Emile Muller jusqu’à la 1ère Guerre Mondiale, époque à laquelle elle a cessé ce type de production. Cette entreprise a obtenu de nombreux marchés dans le domaine public, probablement en raison de son ancienneté (1854) et la diversité de sa production : tuiles, briques, ornements. La période suivante est marquée par les grès de bâtiment et la mosaïque, notamment ceux de Gentil & Bourdet : éléments moulés, ou compositions mosaïques aux tesselles en forme de pastilles ou de feuilles, très caractéristiques.

Ecole maternelle, 19013, 32 rue P. Vaillant Couturier à Bondy (93), céramique E. Muller & Cie Ecole communale de garçons, 19082, 11 rue Carnot à Noisy-le-Sec (93), céramiques
Groupe scolaire, 1931, rue de Monthléry à St Michel-sur-Orge (91), grès de Gentil & Bourdet Maternelle, Bibliothèque, 1933/19344, place Jean Jaurès à St Ouen (93), mosaïque de Gentil & Bourdet Ecole de filles, Ecole de garçons, 15/17 rue Neuve St Pierre à Paris (75), mosaïque probablement de Gentil & Bourdet

Le panneau décoratif peut parfois porter un message plus particulier. L’école de la République affiche les valeurs de la société à un moment donné de son histoire, celles qu’elle veut mettre en avant, au travers de son enseignement mais aussi de son architecture. Ainsi, une école de filles peut mettre l’accent sur l’instruction féminine, jugée autrefois par la population comme étant moins importante que celle des garçons… tout en insistant parallèlement sur leur futur rôle maternel, comme le montre l’école des Lilas.

Ecole de filles, 19314, rue Romain Rolland aux Lilas (93), mosaïque Ecole de filles, 19314, rue Romain Rolland aux Lilas (93), mosaïque

Après la Seconde Guerre Mondiale, la céramique architecturale décorative n’est plus en vogue et on ne la verra plus que sporadiquement sur les écoles, parfois plaquée ou accolée à la faveur de l’impulsion donnée par André Malraux souhaitant inclure une œuvre d’art dans les établissements publics.
L’école maternelle quitta définitivement son appellation d’asile maternel, au sens de lieu protégé, de refuge, en 1881, montrant ainsi la volonté gouvernementale de lui assigner désormais un rôle éducatif. Par ailleurs, le développement du travail féminin imposait un mode de garde des petits, et les villes dont la population augmentait ont dû répondre à cette nécessité en construisant des écoles maternelles. Mais, aux yeux des élus, elles paraissaient moins importantes que les écoles élémentaires et ont été construites dans l’ensemble plus tardivement.
Bien qu’il n’y ait pas eu d’obligation de bâtiments distincts pour les filles et les garçons à ce jeune âge, on retrouve pourtant souvent une certaine symétrie dans les constructions, et beaucoup de ressemblances extérieures dans la structure. Le décor est identique à celui de l’élémentaire quand le groupe scolaire a été élevé en même temps mais il semble plus naturaliste lorsque les écoles ont été construites séparément.

Ecole maternelle, 40 rue Manin à Paris (75), céramique Maternelle, Av. Wilson à St Denis (93), céramiques
Ecole maternelle, rue Jean Bonmarché à Valenciennes (59), céramiques
Ecole maternelle, 19291, 36 rue Vauban à Livry-Gargan (93), mosaïque de Mazzioli Ecole maternelle, 19291, 36 rue Vauban à Livry-Gargan (93), mosaïque de Mazzioli Maternelle, 1933/19344, rue de la République à Neuilly-sur-Marne (93) grès de Ch. Fourmaintraux & Delassus

Cependant, à l’école maternelle comme à l’école élémentaire, la céramique permet de mettre à l’honneur des valeurs patriotiques ou de souvenir semblant éloignées des jeunes enfants, mais dans les faits si proches de leur vécu dans les périodes d’après-guerre.

Ecole maternelle, rue Jean Bonmarché à Valenciennes (59), céramiques Plaque apposée début des années 1920 sur les écoles de l’ex Seine et Oise, ici à Sevran (93)

L’école maternelle de Neuilly-Plaisance exprime par son décor de petites scènes enfantines, sur carrelage en frise murale, ce que l’on attendait d’elle dans les années 1930 : on y remarque sa mission d’instruction des rudiments fondamentaux de lecture et d’écriture, primant à cette époque sur les mathématiques, ainsi que son rôle de socialisation et d’aide au bon développement physique prôné par les politiques hygiénistes, ceci par l’intermédiaire du jeu. On notera la mixité de la ronde, à côté des habitudes sociales où le poupon est entre les mains de la fillette tandis que l’objet technique, un bateau, semble susciter d’intenses discussions entre garçons. Comme dans l’exemple suivant, l’ainé a un rôle d’accompagnement du plus jeune sur le chemin de la connaissance. L’auteur du grand panneau en mosaïque de l’école maternelle de Noisy-le-Sec, de même époque, semble être en empathie avec ces petits pour qui il est parfois difficile d’entrer à l’école, mais qui en seront fiers plus tard, comme leurs ainé(e)s.

Ecole maternelle, vers 1930, rue Doumer à Neuilly-Plaisance (93), carreaux de céramique Ecole maternelle, vers 1930, rue Doumer à Neuilly-Plaisance (93), carreaux de céramique Ecole maternelle, vers 1930, rue Doumer à Neuilly-Plaisance (93), carreaux de céramique
Ecole maternelle, vers 1930, rue Doumer à Neuilly-Plaisance (93), carreaux de céramique
Ecole maternelle, 19332, rue Baudin à Noisy-le-Sec (93), mosaïque

Imaginons pour terminer, que dans votre ville ou alentours, une école primaire (maternelle ou élémentaire) soit ornée à l’extérieur de céramique décorative ; imaginons que vous auriez plaisir à nous la faire découvrir… Ce serait aussi un plaisir pour moi de la faire figurer sur ce site, avec votre copyright bien sûr !

© Ceramique-architecturale.fr – FM
Septembre 2014

NB : Les écoles primaires repérées ici ont parfois changé de fonction au fil du temps. Les dates de construction sont écrites sur l’école, ou sont issues des consultations suivantes : Archives municipales de Livry-Gargan, Noisy-le-Sec, Bondy; Atlas-Patrimoine93.fr dont les recherches de Marie-Françoise Laborde

Plaque commémorative apposée sur l’école de Chalo-Saint-Mars, Essonne, autrefois en Seine-et-Oise
Merci à Caroline Worner, céramiste, de nous faire part de sa recherche sur les plaques commémoratives apposées sur les écoles de l’ex Seine et Oise. Voici un extrait de la réponse qui lui a été faite par les Archives Départementales des Yvelines :
« Ces plaques ont été commandées suite à une délibération du Conseil général de mai 1919, à la Manufacture de Sèvres, qui les a livrées en 1923 aux communes. Le modèle en avait été dessiné par Blanchard, architecte du département, assisté de Prodhomme, professeur de dessin à l’Ecole normale d’instituteurs de Versailles. »

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