Le temps qui passe …

A la fin du XIXe puis au XXe siècle, nombre de communes souhaitèrent donner une note colorée et moderne à leurs nouveaux établissements publics, notamment à leurs écoles. La céramique se prêtait particulièrement bien à ce vœu, non seulement en intérieur pour ses qualités hygiéniques, mais aussi à l’extérieur pour son caractère inusable tant vanté par les céramistes.
Les grandes manufactures de céramique ajoutèrent à leur catalogue les éléments caractéristiques de ces constructions, tels les médaillons et blasons portant la dénomination du lieu, les armes de la ville ou la mention RF (République Française), mais aussi les encadrements d’horloges, voire même le cadran, instrument indissociable des lieux où le respect de l’horaire est primordial. L’horloge permet de régler la vie de l’écolier et des services destinés au public, elle facilite la vie sociale et voisine avec les cloches jusque sur les églises, point de mire des villages d’autrefois. Implantée sur une usine, une gare ou un magasin, elle rythme le travail de l’employé comme l’accès du client. Sa présence en façade annonce tout de suite la particularité d’un lieu, un endroit important, sérieux, solennel.
Elle prend place en hauteur, généralement au sommet de l’édifice, pour être visible de loin et est le plus souvent surmontée d’un petit toit protégeant le plus possible le mécanisme tout en la mettant en valeur. Malgré ces précautions, peu d’entre elles fonctionnent encore. Des cadrans solaires encadrés de céramiques sont parfois repérables, mais en des lieux privés ne nécessitant pas une précision extrême ; ils sont alors moins protégés pour être atteints par les rayons du soleil.
Vers 1900, les horloges en grès émaillé figurent au catalogue de grandes manufactures de terre cuite, notamment Loebnitz, Muller et les Grandes Tuileries de Bourgogne.

Extrait du catalogue 1904 Emile Muller & Cie (Collection F. M.) Collège Jean Jaurès, à St-Ouen (93) 1933/34, mosaïque Gentil & Bourdet Baromètre et horloge à Noisy-le-Grand (93) 1908, céramique E. Muller & Cie
Lycée Douanier Rousseau à Laval (53) 1884/85 Ecoles Emile Zola à Choisy-le-Roi (94) Ancienne gare à Laval (53) 1895/1900
Eglise St-Etienne à Briare (45) 1890/1895, mosaïque Bapterosses Cadran solaire en Normandie (14), céramique Filmont et Bavent
Ecoles Blanqui à St-Ouen (93) 1901, céramique E. Muller & Cie Ancien magasin de vêtements à Paris (75) 1897, mosaïque Ecoles Victor Hugo à St-Ouen (93) 1912 Groupe scolaire Mirabeau à Tours (37), métopes E. Muller & Cie
Ancienne chocolaterie Menier à Noisiel (77) 1872, céramique E. Muller & Cie 

Les heures s’égrènent, les années aussi.

Et l’on veut parfois laisser trace de l’année qui vit la construction de l’édifice faisant la fierté du propriétaire, de l’architecte ou de l’entrepreneur. Selon le style de la maison et la région où elle se trouve, la date suit le mode décoratif en usage : elle est simplement gravée dans la pierre ou le bois, peinte au milieu d’un décor, composée en mosaïque ou incluse dans un ornement en céramique. Chiffres romains ou arabes, influences Renaissance, Art Nouveau, mauresque ou plus classique, précédée parfois de la mention latine anno, l’année se présente comme faisant partie du décor.

Ecoles Jacob à Livry-Gargan (93), panneau  1888 Millésimes gravés à côté des céramiques 1892/97 Terre cuite émaillée 1893/98 à Blois (41)
Monogramme et année, 1897, céramique E. Muller & Cie Panneau de faïence avec cartouche 1904 à Montreuil-sous-Bois (93) Sgraffite 1907, technique moins durable que la céramique, à Charleroi (Belgique)
“La criée” à Rennes (35), grès de Gentil & Bourdet  1922 Carreau 1923 à Frignicourt (51), émaux cloisonnés des Fayenceries de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le-François Plaque bas-relief de Jacques G. Peiffer 1992, à Herserange (54)
Panneau de mosaïque 1895 et initiales à Briare (45), marqué FB adossées (Félix Bapterosses ?) 

Les céramistes proposaient des modèles de cartouches ou panneaux d’applique dont le centre était réservé au millésime, inscrit à la demande du maitre d’ouvrage. Ils réalisaient aussi les plaques que les architectes et entrepreneurs apposaient sur la façade, portant leur nom avec la ville où ils exerçaient et parfois l’année de construction. Les peintres sur céramique l’ajoutaient quelquefois près de leur signature au bas d’un panneau décoratif.

Médaillon en relief et plaque 1890 de Loebnitz, à Lille (59) Cartouche 1905 de la Gde Tuilerie de Bourgogne, à Barcelonnette (04) Mosaïque et terre cuite 1881 au théâtre Antoine à Paris (75) Cartouche 1903 à Montchanin (71)
Panneaux 1899 à Gagny (93), relief émaillé de Janin & Guérineau Tympan 1903 de Gilardoni fils & Cie, à Courbevoie (92) Applique 1904 de la Gde Tuilerie de Bourgogne (Montchanin), à Châlons-en-Champagne (51)
Noms de villas associés au millésime Plaques et gravure d’architecte ou d’entrepreneur Panneau daté 1901 signé Dolis, à Courbevoie (92)
Panneaux datés 1878 signés de Fournier, à Sartrouville (78)

L’année peut être inscrite a posteriori et ne pas révéler la date de construction mais commémorer un événement en lien direct avec le lieu, sa propre histoire, ou rappeler un contexte historique que l’on souhaite exposer durablement au regard des générations futures. Ce rappel au passé concerne plutôt les bâtiments publics ou industriels et est généralement accompagné de quelques mots explicatifs.

Historique de la source à Contrexéville (88), mosaïques de Gentil & Bourdet Dates et lieux de fabrication sur l’entreprise Simons & Cie, mosaïque au Cateau (59) Plaque commémorative, à Sevran (93)
Panneau à caractère historique à Paray-Vieille-Poste (91), d’Hte Boulenger & Cie Panneau de mosaïque de C. Lameire, à caractère historique, rue de l’Observatoire à Paris (75) Historique du Moulin de Noisiel (77), céramique E. Muller
Ateliers  des céramistes Pichenot  1834 puis Loebnitz, rue de la Pierre Levée à Paris (75) Citation historique en rapport avec le lieu, école R. Rolland aux Lilas (93), mosaïque 1931
Que 2014 soit un bon millésime pour tous !

© Ceramique-architecturale.fr – FM
Novembre2013

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