De Cour-Cheverny à Romorantin, la collection Pasquier réapparait avec une muséographie totalement repensée pour le lieu qu’elle occupe désormais : le pourtour de la grande halle de l’ancienne fabrique romorantinaise Normant.
Michel Pasquier s’est passionné pour la céramique architecturale voilà bientôt trente ans. Les Chevernois le connaissaient bien et s’étonnaient de l’intérêt qu’il portait à des matériaux vraiment communs dans cette région de Sologne où les briqueteries et tuileries furent nombreuses mais dont il restait peu de choses. Seule la Tuilerie de la Bretèche est encore en activité.
Collectionneur de briques depuis 1990 environ, il faisait partie de ces passeurs d’histoire amassant petit à petit des objets, des documents, des témoignages oraux qui, assemblés, nous permettent de découvrir une partie du notre passé collectif.
Les dépendances de sa propriété se sont ainsi progressivement transformées en une sorte de musée privé, totalement informel, qu’il faisait visiter à la demande de ses amis ou de quelques passionnés de céramique. C’est en 2006 que j’ai enfin osé le contacter pour le connaitre et découvrir sa collection. Avec bonhommie et beaucoup de modestie, Monsieur Pasquier m’a présenté ses trésors et j’en suis restée ébahie.
On ne m’avait parlé que de briques… mais toutes différentes, estampillées, c’est-à-dire portant en creux la marque de la briqueterie d’où elles viennent : Sologne, partout en France, Etranger, une vertigineuse collection de 4000 pièces. La marque en toutes lettres apparait devant nos yeux mais lorsque la maison est construite, elle est invisible puisque estampée sur la plus grande face alors cachée. Rangées par régions, c’était une invitation au voyage dont nous retrouverons le circuit à la Fabrique Normant, dans une présentation originale.
Les briques chauffantes en terre réfractaire et vernissées rappellent l’époque connue des visiteurs les plus âgés, dont les maisons n’avaient pas le chauffage central ; chauffées sur la cuisinière, percées de trous permettant de les attraper facilement, elles se glissaient entre les draps pour réchauffer le lit.
D’année en année, Michel Pasquier a élargi sa recherche aux tuiles, fabriquées manuellement avec un intérêt particulier pour celles portant trace gravée dans l’argile pas encore sèche, une signature, une dédicace, ou l’empreinte de l’animal ayant posé sa patte par mégarde sur la tuile séchant au sol avant de pouvoir être cuite.
De salle en salle, les découvertes ne manquaient pas, car après la terre cuite rouge des briques, décors de toiture ou bordures de jardin, des centaines de pièces décoratives en terre cuite émaillée s’exposaient, regroupées par lieu de fabrication d’origine. Ou du moins, la plupart du temps, car la collection s’agrandissant toujours et de manière aléatoire, modifier l’agencement n’était pas chose aisée. Les machines, presse à estamper les carreaux, malaxeur et autres liés à cette production ont pris place au milieu des présentoirs.
Certaines manufactures se distinguent par l’importance des pièces collectées. La Grande Tuilerie de Bourgogne à Montchanin et Perrusson & Desfontaines à Ecuisses s’exposent largement avec leurs terres cuites estampées ou moulées, émaillées de tons le plus souvent pastel, avec parfois un mélange émaillé / non émaillé sur une même pièce.
Des cheminées en grès d’Alexandre Bigot, céramiste de Mer près de Blois, remontées patiemment par Monsieur Pasquier s’accolaient aux murs, celles de Gentil & Bourdet, Digoin ou Loebnitz prenaient place également au milieu de nombreux carreaux et pièces en relief de ces manufactures, formant un patchwork céramique coloré époustouflant.
Les céramistes de la région Adrien Thibault et Balon, Gien, Gréber de Beauvais, Gilardoni en Ile-de France, Filmont en Normandie et d’autres étaient aussi représentés. Les épis de faitage ne s’élançaient plus seulement sur les toits normands mais aussi se dressaient majestueusement sur les étagères.
Bigot était particulièrement apprécié par ce collectionneur éclairé ; à chaque nouvelle visite je découvrais ses nouvelles acquisitions, tel le chéneau en grès provenant de la maison du céramiste où des souris cavalent inconsciemment… en direction du chat. Le céramiste ne manquait pas d’humour.
Michel Pasquier désiraient ardemment que sa collection puisse survivre après lui, sans être dispersée, et soit visible par tous. Constituée de récupération de céramiques et machines dont personne ne savait que faire à l’époque du début de sa recherche, puis de nombreux achats, c’est maintenant un ensemble exceptionnel de 7000 pièces en possession de la ville de Romorantin. La nécessité de sauvegarde du patrimoine artisanal et industriel en général n’est apparue qu’assez récemment, et sa valorisation tient souvent à la ténacité d’une personne, en l’occurrence Julie Brossier-Duclos, responsable aujourd’hui de la collection dépendant du Musée de Sologne.
L’inauguration de l’espace dédié à la collection Pasquier, à la fabrique Normant le 8 avril 2017, se fera malheureusement sans lui, deux semaines après son décès, mais nul doute qu’il y sera, par tout ce qu’il nous laisse à admirer et pour tous ceux qui l’ont connu.
Programme de cette journée Portes ouvertes ici !
La fabrique Normant étant un lieu partagé, Céra-briques sera visible ensuite en parallèle de l’exposition du Printemps de la photo 20 mai au 5 juin 2017.
Tous renseignements peuvent être demandés au service responsable de la collection : Julie Brossier-Duclos
© Ceramique-architecturale.fr – Françoise Mary
Mars 2017