Montages et remontages : architectures éphémères des Expositions universelles au XIXe siècle

Le musée Roybet-Fould présente jusqu’au 8 mars 2020 une exposition autour de quatre bâtiments issus d’Expositions universelles et remontés à Courbevoie, Asnières et la Garenne-Colombes (92).
Trois d’entre eux étaient ornés de céramique, mais le propos est plus vaste permettant d’aborder le sujet au-delà de manière plus générale. La découverte est à l’intérieur et à l’extérieur puisque le musée lui-même est le pavillon Suède-Norvège de l’Exposition universelle 1878, tout comme celui des Indes visible dans le parc.

Montages et démontages :Expositions universelles Exposition à Courbevoie (92), en détails

Zoomons ici sur les céramiques.
L’Exposition de 1878 avait permis aux céramistes, notamment Collinot et Parvillée, d’exprimer leur passion pour l’art oriental, devenu très à la mode. D’autres se sont saisis de cet engouement comme le montre le pavillon des Indes remonté dans le parc de Bécon à Courbevoie. Sous ses coupoles dorées, l’attique du pavillon nous laisse admirer de grands carreaux au décor inspiré de l’Orient. Ces émaux en relief contenus par un cerne noir s’illuminent au moindre rayon de soleil mettant en valeur l’alternance de carreaux à dominante bleue ou jaune. Les photos prises lors de la réfection du bâtiment(1) nous apprennent que ces terres cuites proviennent de la manufacture de faïences de Léon Brocard qui a estampé sa marque au revers. Poêlier à l’origine, il entreprit en 1875 la fabrication de panneaux en faïence pour la décoration monumentale, activité poursuivie dès 1893 par son fils et son associé Leclerc. Accordons-lui donc la paternité du décor. Cependant 1879 est inscrit au dos du carreau et les gravures du pavillon en 1878 ne présentent pas de céramique, cela indique que leur facture est postérieure, de peu. L’Exposition a bien joué son rôle d’émulation dans ce domaine de l’architecture décorative puisque les carrés de bois ouvragé, fragiles, ont été remplacés par des terres cuites durables et colorées.

Pavillon des Indes 1878 remonté à Courbevoie CCCC

La même année, l’architecture de fer et briques se révèle au travers d’une autre construction remontée à Asnières, la nouvelle gare desservant autrefois le Champ de Mars. Connue depuis sous le nom de son architecte, la gare Lisch expose toujours ses murs de briques rouges et ocres formant tapisserie entre les montants métalliques. Des tuiles émaillées de plusieurs couleurs représentées par Pierre Chabat dans son ouvrage dédié à la brique et la terre cuite sont aujourd’hui invisibles, mais les plaques de terre cuite également émaillée sont encore bien lumineuses(2). Elles sont l’œuvre du poêlier Jules Loebnitz, que l’architecte Paul Sédille a souvent sollicité et encouragé à poursuivre dans la création de céramiques architecturales pour l’ornement des façades. C’est d’ailleurs ce dernier qui nous l’apprend dans la Revue de l’architecture et des travaux publics en 1885. Autant que l’on puisse voir, les couleurs sont ici cernées par une ligne en creux les mettant en valeur. Depuis juin 2019, l’on espère que l’ensemble du bâtiment puisse enfin entamer une nouvelle vie dans le cadre du Grand Paris.

Détail de la gare du Champs de Mars 1878 remontée à Asnières (92) Céramique de la gare Lisch, de Jules Loebnitz

L’Exposition universelle de 1889 marque le triomphe de la céramique architecturale, même si la tour Eiffel accapare de nos jours tous les honneurs. La brique entre dans la construction des plus beaux palais ; elle allie ses capacités constructives et décoratives grâce à ses multiples possibilités d’assemblages, ses différentes couleurs naturelles ou émaillées. La plupart des pavillons et palais possèdent au moins un ornement mural en céramique, quelques-uns en sont totalement recouverts(3). Les tuiles se prêtent aussi à la création de multiples dessins habillant les toits de leurs teintes vives. Le troisième pavillon présenté au musée Roybet-Fould en était couvert, c’est celui d’Haïti, remonté à la Garenne-Colombes. Associé au bois, le décor de la façade est somptueux pour une si modeste construction. Des petits bonnets phrygiens et des dragons bien sages pour cette ile volcanique arborent de belles couleurs en partie pastel qui semblent peintes sur émail. Dans les journaux d’époque, leurs teintes alors éclatantes sont mentionnées, mais personne n’a pensé à citer le peintre ni le céramiste.

Pavillon d’Haïti – Hawaï 1889 remonté à la Garenne-Colombes Céramiques du pavillon Haïti

Pour en savoir davantage à propos des Expositions universelles du XIXe siècle, il faut visiter l’exposition du musée de Courbevoie qui a édité pour l’occasion un grand journal, disponible à l’accueil, et organise des conférences autour de cet événement.

Journal de l’exposition de Courbevoie Programme des conférences

© Ceramique-architecturale.fr – Françoise Mary
Montages et remontages : architectures éphémères des Expositions universelles au XIXe siècle – Avril 2020

1 : Un grand merci à Mme Trief-Touchard m’ayant montré les photos prises lors de la réfection du bâtiment.

2 : La brique et la terre cuite, Pierre Chabat, 1881-1882, planche XXVII

3 : Un article plus précis verra le jour ultérieurement sur ce site.

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