Les manufactures de céramique architecturale nous ont légué de nombreuses plantes à fleurs ornant les villas et pavillons de nos villes franciliennes et provinciales. Les façades fleuries nous rappellent leur époque de construction, la fin du XIXe siècle ou le début du XXe, quand les habitants des villes venaient s’installer en périphérie afin de profiter du grand air et de la nature.
Si toutes les fleurs portent toujours message dans les moments clés de nos vies, depuis la maternité jusqu’au cimetière, l’iris occupait alors une place particulière dans l’imaginaire collectif ainsi que dans la production céramique où il était l’une des fleurs les plus représentées.
Dans la symbolique des fleurs, il signifie la tendresse du cœur et selon sa couleur, confiance, constance ou bonheur. On ne peut savoir ce qui attira les premiers propriétaires de ces maisons ornées d’iris, peut-être le langage des fleurs auquel on prêtait grande attention à cette époque, ou sa présence odorante et colorée dans les jardins. Iris signifiant étymologiquement « bande, raie de couleur, chemin, route », on peut évoquer aussi l’image d’Iris, messagère des dieux de l’Olympe symbolisée par l’arc-en-ciel.
L’iris est aussi à l’origine de la fleur de lys, emblème de la monarchie. L’on raconte que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, se trouva devant la Vienne sans pouvoir la traverser quand il repéra un gué grâce au passage d’une biche traversant au milieu d’Iris pseudacorus. Il la suivit, remporta la bataille, fit du lys le symbole de sa victoire et en décora ses plus beaux ornements. Cet iris porte divers noms selon les régions, tel Iris jaune ou Lis des marais. Une autre version évoque Louis VII parti en croisade avec une fleur d’iris représentée sur son casque, rendant célèbre la « fleur de Luce » (Louis), devenue fleur de lys par paronymie.
Le motif « fleur de lys » est exploité avec parcimonie dans l’ornement céramique, plus souvent dans sa forme approchante, dite fleurdelisée. Ce symbole marqué de la royauté est utilisé dans sa forme traditionnelle principalement pour orner les rétrécissements de cheminée, dans l’espace privé à l’intérieur des maisons. Dans certaines représentations de l’iris, on ne peut manquer de retrouver une ressemblance avec la fleur de lys qui l’a précédée dans l’ornement.
Les représentations de l’iris à la fin du XIXe sont assez rares et plutôt symétriques. Cette fleur apparait ensuite massivement au catalogue des fabricants de céramique architecturale, dans les dix premières années du XXe siècle, soit en pleine époque Art Nouveau, qui mettait à l’honneur toute la variété des végétaux. Ses longues feuilles en forme de sabre ou parfois de lanières ainsi que ses tiges dressées sont souvent représentées de manière assez improbable dans la nature : l’Art Nouveau marque de son empreinte les décorateurs qui leur donnent les formes sinueuses propres à ce mouvement artistique.
L’iris se plie à tous les modes de décoration céramique. On le rencontre en terre cuite moulée formant ainsi un bas relief brut ou émaillé, présenté seul ou en bouquets, ou encore accompagné d’une autre espèce. On notera la présence de l’encadrement, indispensable mise en valeur du décor céramique qu’il est important de conserver lors des rénovations de façades.
C’est sur les carreaux pressés industriellement qu’il est le plus présent. Il est posé en frises ou en panneaux au dessus des baies et peut aussi donner son nom à une villa. De grands panneaux sont parfois visibles dans une véranda, un hall d’immeuble ou une ancienne boutique, et plus difficile à voir, dans une salle de bains. Ce sont là des représentations de grande taille dont le décor peut être unique et non reproduit industriellement. Les iris sont présentés dans leur milieu naturel ou encore sous forme de composition florale dans un vase.
Les techniques de mise en couleur du carreau vont de l’émaillage en émaux multicolores cloisonnés comme chez Hte Boulenger ou Gilardoni fils & Cie, qui donnent des décors très lumineux, à la peinture sur ou sous émail, moins résistante semble-t-il mais permettant des variations de tons pastels plus nuancés. On citera le peintre sur céramique qui œuvra à Colombes et alentour (Hauts-de-Seine) dans les premières années du XXe siècle : E. Dolis, qui signait parfois ses peintures. Ses œuvres se reconnaissent à son style dans la mouvance Art Nouveau : compositions naturelles aux formes débridées et généralement asymétriques, encadrées de courbes et s’inscrivant dans des espaces de formes variées, fuyant la banalité du rectangle. D’autres représentations se rapprochent plus ou moins de ce style de composition sans que l’on puisse encore en déterminer l’auteur.
On peut encore trouver l’iris sur des carreaux de sol en grès cérame parfois posés au mur, ou représentés en mosaïque, mais également sur des panneaux de fabrication postérieure à la grande vogue de la céramique architecturale décorative.
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Pour en savoir plus :
– Symbolique et historique de l’iris issues de Fleurs sauvages, par Henri Romagnesi et Jean Weill, Bordas